[La Patrie] Adrien Roux (ReAct) : « Face aux multinationales, il faut créer des luttes internationales »

Militant formé aux techniques du « community organizing » de Saul Alinsky, Adrien Roux a monté à Grenoble l’un des premiers groupes à utiliser cette méthode en France, l’Alliance citoyenne. Il contribue à mettre en place des dynamiques du même type, dans d’autres villes et régions de France. Dans le cadre du ReAct (Réseau pour l’action collective internationale : http://projet-react.org/v2/fr/), il essaie de penser et d’organiser l’internationalisation des luttes contre les multinationales. Ayant pas mal circulé à travers le monde, il est venu témoigner devant le groupe des réalités sociales et des luttes qu’il a rencontrées.

Avant de présenter au groupe du grand chantier des exemples concrets, Adrien Roux a commencé par dresser un petit panorama historique des relations entre les Etats et les entreprises privées.

  • La révolution industrielle a vu les entreprises commencer à demander aux États leurs services pour les aider à s’implanter. En échange, elles donnent de l’argent ou font miroiter plus d’impôts locaux, et surtout la création d’emplois, donc de richesses.
  • Au 19e siècle, on assiste à la création des comptoirs coloniaux (en Inde, à Singapour, à Hong-Kong…) ou bien on force la main à la Chine pour qu’elle accepte les marchandises britanniques sans les taxer. Les colonies représentent une véritable aide pour les entreprises françaises.
  • De 1914 à 1945, c’est la période des grands conflits : les entreprises s’enrichissent en fabriquant des armes ou autres denrées, mais les Etats reprennent la main… Le socialisme (en Russie) et le fascisme (en Italie, puis Allemagne) incarnent la prise de pouvoir de l’Etat sur la société, la fin du libéralisme. Dans les années 1930, c’est aussi une nouvelle poussée des mouvements ouvriers en France, aux Etats-Unis, au Royaume-Uni: l’Etat devient arbitre entre ouvriers et patrons. En 1945, l’entreprise qui n’obéit pas, on la nationalise ! La menace, c’est le communisme qui sort triomphant de la guerre, avec l’URSS, 3 millions de syndiqués à la CGT, et un Parti communiste qui est le premier parti de France aux élections.
  • A partir de 1970, les entreprises qui ont fait fortune pendant les Trente Glorieuses reprennent la main. Elles dictent l’ouverture des marchés, l’ouverture des frontières pour les marchandises avec la CEE, puis la dérégulation financière dans les années 1980… Les produits sont détaxés, les entreprises investissent à l’étranger et deviennent multinationales.

La principale menace, ce ne sont plus les Etats ou les syndicats qui peuvent l’agiter avec la grève, la nationalisation ou le communisme. La principale menace est désormais exprimée par les multinationales : les frontières sont ouvertes, on peut délocaliser la production et les produits seront importés.

Les États font la cour aux entreprises pour qu’elles viennent s’installer chez eux. Les Emirats arabes, le Qatar, Dubaï ont compris qu’un État est d’abord un commercial qui vend son territoire (on parle de marketing territorial) : tous les gouvernements vendent leur territoire à des entreprises et se construisent une image de marque (grandes tours, cadre de vie, etc.) pour les attirer. L’attractivité du territoire devient l’alpha et l’oméga des politiques publiques : on fait des crèches pour les cadres des grandes entreprises américaines, disait Michel Destot, ex-maire de Grenoble).

En France, les grands projets inutiles (GPI) ne sont pas inutiles pour tout le monde, ils servent les intérêts des entreprises. Le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes a été conçu pour faire venir des entreprises et satisfaire celles qui sont là.

 

Adrien à Dubaï

Pour fournir la meilleure main d’œuvre (pas chère), Dubaï fait venir des Népalais, des Indiens et des Pakistanais. Des tours de 800 mètres de haut en centre-ville, des bâtiments de 800 m de long en périphérie – des poulaillers de 15m² pour 12 personnes où sont parqués les ouvriers. Habillés en bleus de travail avec le logo de l’entreprise, ils montent dans des bus avec le logo de l’entreprise, ils travaillent 10 à 12 heures par jour sur les chantiers de l’entreprise, et ils rentrent dans les logements de l’entreprise le soir. Leur passeport appartient à l’entreprise qui les emploie. Sur les logements est écrit « labour camps »… Ils auraient pu écrire en allemand, ArbeitLager pour mieux décrire la réalité totalitaire qui se joue ici : un nouveau totalitarisme, un totalitarisme d’entreprise.

On leur confisque leur passeport. Les gens payent pour venir bosser là. Et si les gens ne sont pas contents, ils n’ont qu’à rentrer dans leur pays.

Dubaï défend exclusivement les entreprises. Les travailleurs n’ont aucun droit, aucune défense. Si grève, expulsion. Si troubles, expulsion.

Sur ce même modèle de travail, on trouve les travailleuses du sexe.

À Dubaï, Adrien a vécu la coupure entre le monde des expatriés et celui des labour camps. Les premiers vivent tout le temps à 25°, même la plage est climatisée. « Dubaï, c’est le paradis », disent les expat. Quand on sort de ce « cercle », il fait partout 40°, les chantiers, les poulaillers : « Dubaï, c’est l’enfer », disent les travailleurs. Et certains expatriés ne savent même pas que ces camps existent.

 

Adrien à Casablanca 

Dans les centres d’appel qui existent en France (à Roanne, à Gennevilliers…), les conditions de travail se détériorent. Les tentatives de négociation se soldent par un simple : « Si vous êtes pas contents, de toutes façons on va délocaliser ! ». D’ailleurs, lorsqu’il y a trop de grèves, pour faire peur aux salariés, la direction décide de transférer les appels sur Casablanca.

Adrien nous a raconté son déplacement à Casablanca.

« À l’image du capital qui est mobile et possède ses réseaux, nous, on utilise les nôtres – amis ou famille à l’étranger. Notre mobilité à nous. C’est ainsi que je me retrouve au Maroc pour tenter d’internationaliser la lutte des salariés de B2S.

À Casablanca, il n’y a pas de syndicat. Durant leur pause café-cigarette, je parle avec les salariés, j’essaie de trouver des personnes qui n’ont pas peur de monter un syndicat (il y a quelques années, tous les responsables syndicaux de l’époque ont été licenciés).

Et puis, au bout d’un certain temps, tout est prêt. À 11h, on officialise le syndicat, et on demande une négociation avec les patrons. À midi, huit membres du bureau du syndicat de Casablanca sont mis à pied. En France, les salariés font grève et les syndicats interpellent la DRH : « On ne vous lâchera pas tant que les huit personnes ne seront pas réintégrées ». La DRH France n’était pas au courant. Surprise même.

En fin d’après-midi, la mise à pied est suspendue.

Il y a un écart entre les leviers de pression qu’on peut avoir sur le siège en France et les pratiques dans les différents pays, comme le Maroc. On a donc fait pression en France pour que les patrons français fassent pression au Maroc : la DRH France a tapé sur les doigts de la manager marocaine. En retour, s’il y a grève en France, les reports d’appels ne pourront plus s’effectuer à Casablanca. Les salariés, en lien désormais, seront solidaires.

 

Adrien en Chine

Après 4 morts dans un centre EDF, un responsable m’explique pourquoi: « En France, vous ne voyez jamais un vélo rouler à contre-sens sur une double-voie ? Et bien ici, c’est courant.

– Oui, et alors ?

– Le Chinois n’a pas la culture de la sécurité. Il n’a pas le même rapport à la vie. Alors, immanquablement, les accidents du travail sont légion… »

Les ouvriers décédés travaillaient 13h par jour sans équipement de sécurité. Un problème de culture, dites-vous?

 

Arcelor en Inde

Des habitants de la province du Jharkhand se sont fait prendre leurs terres par le gouverneur de l’Etat, et celui-ci les a ensuite revendues à ArcelorMittal. Alors les habitants ont fait un sit-in de protestation devant chez le gouverneur, mais celui-ci n’a pas de pouvoir. C’est Arcelor qui a le pouvoir face aux gouvernants, car le groupe brandit toujours la menace de partir si on n’est pas contents. Et c’est vrai qu’il a une grande capacité de mobilité.

Il faut comprendre le capitalisme mondialisé comme un jeu à 5 acteurs :

  • la société civile en Inde ;
  • les pouvoirs publics indiens ;
  • la société civile en France ;
  • les pouvoirs publics français ;
  • Arcelor Mittal.

Cinq joueurs : quatre perdants, et un gagnant !

 

Le débat 

Quelles sont les relations qui lient les grands groupes français et le gouvernement ?

Bolloré est implanté au Cameroun, en Côte d’Ivoire, etc., mais il a des concurrents chinois et américains. Le gouvernement français l’aide en l’emmenant dans ses déplacements officiels. Et si les pays visités signent avec Bolloré, la France, en échange, promet aux dirigeants (dictateurs) africains une aide militaire.

On se rappelle de la phrase de Sarkozy à Biya en 2007 : « Quand on aime la France, on aime les entreprises françaises ! »

C’est super ce que tu fais, mais ce n’est pas toi qui prend les risques, se sont eux !

Je ne vais ni les empêcher de prendre des risques, ni les encourager à en prendre plus qu’ils ne veulent. On essaie de mettre en place les conditions à la fois pour minimiser les risques et pour augmenter la probabilité de gagner. Les gens sont adultes et responsables, ils savent ce qu’ils font. Mais c’est vrai que, quand un camarade est en prison et que toi Bolloré ne te met pas en prison, il arrive de douter et de se demander si on a raison de se battre.

Ca arrive parfois que ce soit des syndicalistes étrangers qui contactent des syndicalistes français ?

Oui, c’est le cas de la lutte « Fight for fifteen » : les travailleurs des fast food aux Etats-Unis ont lancé une campagne, avec les syndicats américains et des alliances citoyennes autour. On se bat pour 15 $ de l’heure et le droit syndical dans les fast food. L’Etat de New York, celui de Californie et la Ville de Seattle ont fait passer cette mesure. Ca a donc permis d’obtenir des victoires locales, mais McDo ne cède pas : ils refusent d’autoriser la création des syndicats.

Quel est le 2e pays du monde où McDo fait le plus de bénéfices ? C’est la France. Donc ils viennent voir les syndicats français pour faire mal à McDo ici aussi. On va recruter un organisateur sur McDo en France. La CFDT nous oppose que McDo, c’est moins pire que d‘autres. Il n’y a que la CGT qui nous a dit OK…

Qu’est-ce qui vous a motivé à travailler plutôt avec les travailleurs étrangers que français ? Et pourquoi plus les travailleurs que les consommateurs ?

On a commencé à lutter en France : dans les quartiers populaires et les secteurs très précaires, on essaie de construire des conditions de lutte. Par exemple, actuellement, les femmes de ménage de la région de Lyon : elles sont payées à la chambre, certaines travaillent six heures pour être payées deux heures… Elles ont fait la grève du nettoyage des toilettes, et ont distribué des couches aux consommateurs du centre commercial pour faire la « grève du caca », on a même fait un « shit-in » ! Le directeur du centre commercial faisait pression pour débloquer le conflit, car ça met le désordre dans son centre. Les logiques de domination et d’abus, pas besoin d’aller au bout du monde pour les trouver. L’entreprise n’a lâché que sur les points sur lesquels ils étaient dans l’illégalité. Elle essaie de calmer le jeu, mais ne veut pas paraître céder face au syndicat !

Par qui êtes-vous financés ?

Je n’ai jamais été payé pour faire tout ce que je vous raconte ici… Concernant la lutte à McDo, ce sont les syndicats américains qui nous financent.

Le plus logique, c’est que ce soit les gens qui s’organisent qui cotisent : au Cameroun, les organisateurs sont payés par les cotisations des communautés.

A Lyon, l’organisatrice est payée par les syndicats… à condition de trouver dix nouvelles syndiquées par mois ! Ca génère aussi des contradictions : on est obligé de se mettre la pression. Notre pouvoir dépend du nombre de personnes qui font grève, aussi a-t-on une forte pression des chiffres : « Tu as combien de nouveaux contacts aujourd’hui ? Combien de membres cotisants ? »

Quelquefois, on essaie d’être financés par des riches individus : un ancien dirigeant d’ArcelorMittal a financé la refonte du site Internet.

En quoi êtes-vous solidaire des actions contre McDo aux Etats-Unis ?

Le but n’est pas de mener des actions de solidarité avec eux, mais de lutter ici pour aboutir à un accord à l’échelle globale.

Et là, je vais vous faire un petit rappel historique.

Dès 1848, la proposition stratégique, c’était : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » Et en 1864, la première internationale des travailleurs est créée pour mettre en pratique la proposition de Marx.

Tout cela s’est fait laminer par la guerre de 1914-18 : aucun parti socialiste ne s’est levé pour refuser la guerre contre le pays d’à-côté. En Allemagne, Rosa Luxembourg prêchait seule dans le désert. Pas un membre du SPD n’a voté contre la guerre.

Il y a eu un début de reconstitution dans les années 1950 avec des « secrétariats syndicats internationaux ». Mais plus on monte dans la hiérarchie des instances syndicales, plus on perd de vue cette logique offensive. Seule exception : l’agro-alimentaire, où Dan Gallin un militant exemplaire (trotskiste), a pris la tête de cette coordination internationale. Dès 1978, l’UITA (fédération internationale de l’agroalimentaire) a ainsi engagé une bataille internationale contre Coca-Cola. La 1ère lutte multinationale d’ampleur.

Dans la majeure partie du XXe siècle, l’hypothèse stratégique de gagner des droits sociaux grâce à des luttes nationales, dans le cadre d’un compromis patronat-salariés, est celle qui triomphe : dans ce cadre, l’internationalisme a peu d’intérêt. Mais il y a des personnages mythiques, comme Gaston Donnat, au Cameroun, un cégétiste qui aide à la création de syndicats.

Un nouvel internationalisme émerge depuis le triomphe du néo-libéralisme. On invente la notion d’« accord cadre monde », pour faire pression sur les directions au niveau mondial.

Dans l’histoire que je vous ai racontée, B2S n’a pas poussé à un accord cadre mondial. Il y a eu des victoires locales. Dans quelle mesure ces avancées sont liées à la mobilisation internationale ? C’est difficile à dire… En tout cas, on a réussi à passer de l’employé marocain perçu comme une menace (parce qu’il accepte des conditions de merde) au même employé perçu comme un allié. Plus on arrive à identifier un ennemi commun, plus on devient solidaires les uns des autres.

 

La lutte internationale contre Bolloré

On a eu un contact avec des Camerounais, qui nous ont parlé de Bolloré : l’entreprise a étendu ses plantations de palmiers à huile sur les terres du village, «ils nous volent nos terres,  notre patrie », ils ont une milice d’agents de sécurité qui matraquent les villageois. Et le gouvernement camerounais est complice de ça ! (Bolloré paie très peu d’impôts là-bas et rapatrie une large part de ses bénéfices au Luxembourg). Les capitalistes n’ont pas de patrie, ils n’ont qu’un patrimoine. Mais ils font pression sur les gouvernements locaux pour obtenir tel ou tel avantage.

Marx parlait de la bourgeoisie cosmopolite, qui se joue des Etats et des frontières.

Comment construire une pression pour faire reculer un grand groupe come Bolloré ?

Bolloré a des plantations de palmiers à huile au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Libéria, en Sierra Leone, au Cambodge… Hypothèse stratégique : mener une action coordonnée, le même jour, entre les différents pays. Il faut que ça devienne plus coûteux pour Bolloré de poursuivre cette injustice que d’y remédier.

Bien sûr, la question se pose : t’es qui, toi, Adrien « le blanc », pour aller donner des conseils au Cameroun ? C’est vrai que je n’y allais pas seulement pour « documenter » la situation et la dénoncer, mais bien pour travailler avec les leaders locaux.

Une des premières choses, c’est de partager les situations, leurs analyses et les luttes menées entre les différents pays d’implantation.

Deuxième temps : on a recruté des organisateurs, qui ont eu une expérience dans le syndicalisme étudiant, par exemple. Et puis, on les a formés.

Au Cameroun, on a d’abord formé un permanent du syndicat des paysans ruraux.

On a construit une organisation en grimpant quatre marches successives :

  • ORGANISER : aller voir tout le monde, encourager tous à s’organiser, à devenir membre d’une même organisation, organiser des assemblées ;
  • REVENDIQUER : décider ensemble des revendications prioritaires et les porter ;
  • AGIR : monter des actions collectives pour faire pression sur le groupe Bolloré ;
  • NEGOCIER : ouvrir des négociations avec le groupe.

Dans l’une des implantations, un directeur local a cédé pas mal de choses : puis, on vient d’apprendre qu’il a été muté. Et son remplaçant revient sur certains engagements pris par son prédécesseur. C’est aussi ça la difficulté quand on négocie avec un groupe multinational : il faut arriver à passer par-dessus les directions locales et nationales, puisque la stratégie du groupe est internationale.

On a commencé par des « journées d’action internationales » : le même jour, des actions de désobéissance dans plusieurs plantations… Pendant ce temps-là, on intervient à l’AG des actionnaires du groupe. « On n’a plus de terres disponibles dans notre pays, alors on vient planter notre manioc sur les pelouses de Bolloré ! »

On tape le sommet de la pyramide, et plus seulement le directeur local.

Les frontières africaines ont souvent été tracées par les colonisateurs. Et les multinationales, c’est bien la traduction concrète, actuelle, des effets de la domination coloniale.

Une journée de blocage des plantations, c’est 280 000 € de perte sèche pour la boîte !

Le groupe Bolloré demande des prêts à la Banque mondiale : l’an passé, elle l’a refusé compte tenu du fait que le groupe ne respecte pas les principes éthiques.

Alors Bolloré a accepté de négocier : « Je ne suis qu’un actionnaire minoritaire mais, si ce que vous dites est vrai, je ferai le nécessaire pour que ça change ».

Il a accepté de recevoir une délégation avec des représentants des différentes communautés.

C’est Bolloré qui a payé les frais pour faire venir les militants à Paris : c’est la première fois que les leaders des différents pays pouvaient se rencontrer. Ils ont pu construire un « commun » ensemble.

Les différents gouvernements devraient protéger leurs ressortissants face aux abus de Bolloré, et c’est le contraire qui se passe : ils soutiennent systématiquement les intérêts de Bolloré.

Les leaders se sont raconté leurs luttes locales. Pendant une négociation, l’un d’eux – Neth Prak, du Cambodge– recevait des coups de fil réguliers l’informant que la mobilisation s’amplifiait et que des bulldozers étaient incendiés.

Dans la négociation, c’est Bolloré qui nous reçoit, mais Socfin (holding luxembourgeoise appartenant à la famille belge Fabri) n’est pas là !

Bolloré s’engage, puis va se faire taper sur les doigts par Socfin sur le mode : « Nous, on sait comment se comporter avec les communautés africaines ! »

La première bataille qu’on mène, c’est d’être reconnus pour négocier. On est sortis contents de la négociation. Mais on apprend que la tension est exacerbée au sein du groupe. Quelques mois plus tard, nouvelles interpellations au Libéria et en Sierra Léone. Un vrai retour en arrière ? Pas tout à fait, car les réactions, localement, sont immédiates, et la solidarité semble s’enclencher de manière inéluctable (jusque-là, c’était plutôt nous, les militants internationalistes, qui portions, un peu à marche forcée, cette solidarité).

Là, on décide d’actions qui vont se succéder les unes aux autres : dès qu’une est terminée dans un pays, une autre enchaîne dans un autre. Cela permet un mouvement tenu dans le temps, plus efficace que les journées d’action internationales.

Suite au blocage au Cameroun, le syndicat est à nouveau reconnu et des négociations peuvent se rouvrir.

Au Sierra Leone, les poursuites sont suspendues.

Mais nous réalisons que, tant que l’adversaire est opaque, on n’obtiendra rien.

Nous repérons alors une jeune chargée de mission RSE du Groupe Bolloré, et on l’approche par mail. Elle devient un peu notre informatrice : c’est elle qui va nous apprendre que la secrétaire générale du groupe a été humiliée par Hubert Fabri, et que Bolloré a changé son fusil d’épaule vis-à-vis de Socfin : « Nous n’interviendrons plus dans vos affaires ».

Lors de la nouvelle AG des actionnaires du groupe Bolloré, des manifestants bloquent l’entrée de la tour en chantant « Bolloré partout, justice nulle part ! »

Le blocage dure plus d’une heure, et certains militants discutent avec des petits actionnaires : une demi douzaine d’entre eux acceptent de poser des questions à Bolloré. Tant et si bien qu’une grande partie de l’AG va être consacrée au problème des accaparements de terre dans les plantations ! Finalement, Bolloré accepte de ré-ouvrir des négociations et de faire pression sur Socfin pour que ses dirigeants y participent.

 

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