Annie Pourre

En décembre 2006, dans le cadre de notre chantier « Les invisibles », nous avons rencontré Annie Pourre du DAL
Annie Pourre c’est une vraie militante, son

Attention, notre compte rendu n’a pas été relu par Annie Pourre et peut donc comporter des erreurs.

Le compte rendu

Intervention sur le DAL puis sur NO VOX.

1 300 000 familles sont demandeuses d’un logement social. 8 millions de gens vivent en dessous du seuil de pauvreté.

LE DAL

Au DAL (Droit au Logement), on est avant tout des désobéissants qui considèrent que quand ça ne va pas bien il faut désobéir. Il n’y a pas de hiérarchisation, nous fonctionnons en collégiale. Nos avons un porte-parole mas qui n’et pas un leader. Au début, on était une bande de 10 ou 15 copains et nous avons lancé  des actions d’abord dans un quartier de Paris où les marchands de sommeil incendiaient des immeubles pour que les promoteurs puissent y faire des logements bourgeois. Avec les familles délogées nous avons occupé un square appartenant à la ville de Paris (et non une occupation d’un lieu privé car les institutions ont plus de scrupules à nous déloger). Nous avons obtenu une première victoire donc nous avons ouvert une permanence pour tous ceux qui voulaient entrer en lutte collective (le DAL organise la lutte collective et refuse le caritatif). Ensuite, nous avons organisé un campement de 400 familles du mois de mars au mois de novembre. Les familles décidaient tout en AG. Nous avons gagné cette fois encore grâce au reportage fait par une télé japonaise sur notre action et qu’un ministre, par hasard, a vu dans un avion. Il n’a pas supporté qu’une telle image de la France soit diffusée alors il a donné des consignes…

Puis, des architectes, des urbanistes et avocats se sont joints à nous. Nous nous sommes alors aperçus qu’il y avait beaucoup d’immeubles vides. Alors, on a inversé la lutte : il s’agissait dorénavant de convaincre l’opinion publique au lieu de s’épuiser dans la lutte institutionnelle (si l’opinion publique est contre une action, l’action ne peut aboutir). A cette époque, seulement 20% de l’opinion publique était avec nous, il y avait donc beaucoup de travail à faire. Avec les familles déterminées depuis nos deux premières victoires (il faut des victoires pour être crédible), on a fait une marche pour dénoncer les appartements vides. Et puis un an après on a décidé d’occuper un immeuble. Là, on s’est aperçu que l’opinion publique avait basculé en notre faveur. Les flics nous ont mis dehors… jusqu’au jour où on a réussi a garder un immeuble avenue Coty. Lors de cette occupation-réquisition, les flics nous ont encerclés pendant 48 heures sans possibilité de faire rentrer de la nourriture ou de l’eau… C’est comme cela presque toujours il faut donc bien prévoir son coup – l’amateurisme n’est pas possible. Le délai de 48 heures est très important car la loi dit que si on tient 48 heures, la police ne peut plus nous déloger et doit attendre le résultat du procès. Pour l’immeuble avenue Coty, nous avons tenu ces 48 heures, ce qui en fait nous a laissé un an, jusqu’au procès où nous avons été, accompagnés par des personnalités du spectacle et du monde politique qui ont déclaré que c’était eux qui occupaient et hébergeaient les familles. Le tribunal nous a donné la possibilité de rester là pendant un an encore et a imposé à la ville de reloger tous les occupants d’ici là. Mais quelques heures avant la décision du tribunal, le GIGN est entré dans l’immeuble et a tout cassé pour qu’on ne puisse pas y rester (ils savent faire cela, ils cassent même les escaliers bloquant ainsi tout accès). Nous, pendant ce temps on était dehors et on chantait, alors ils nous sont tombés dessus et nous ont amochés. Mais le jugement de la rue Coty était en notre faveur et il a fait jurisprudence. Nous avons obtenu une très grande victoire : le droit au logement a été reconnu là. Le droit au logement n’est pas inscrit dans la constitution alors que le droit à la propriété l’est. Le tribunal a reconnu là qu’une famille a le droit de se protéger en occupant un logement vide. Un droit ça se conquière.                                                                                   Par la suite, on s’est dit qu’il n’y a pas que le logement comme problème. Chaque personne a droit à sa réalisation de vie et il y a plein d’autres droits qui ne sont pas respectés. On a donc cherché à créer des ponts avec d’autres mouvements de Sans pour réfléchir sur toutes les conséquences de la pauvreté sur la personne et agir.

On a occupé les bureaux de la rue du Dragon avec des familles (94% de l’opinion publique était maintenant avec nous) et on a inventé : un étage solidarité occupé par des assos, un étage création où des artistes animent des ateliers vidéo, peinture, théâtre, poésie, un étage pour l’université d’échange des savoirs où se mêlent sociologues et mécaniciens, philosophes et cuisiniers et un lieu pour héberger les célibataires. Les pauvres sont les plus imaginatifs et ils incitent à la création, à l’invention de nouvelles solutions. Mais il faut aussi savoir se remettre en question et être prudent car une fois l’action terminée, les familles de la rue du dragon ont été ou relogées ou sont reparties dans des taudis, loin du centre, loin de toutes les activités proposées rue du dragon et certains enfants ont été énormément déstabilisés. L’état a ensuite voté une loi de réquisition et a réquisitionné 23 immeubles vides… Une autre loi a encore été faite mais elle est tellement compliquée et restrictive qu’on ne peut pas l’utiliser.                                                                   En ce moment, nous avons organisé un campement de 28 tentes le long du canal St Martin. La police ne peut nous virer car nous menaçons tous de nous jeter à l’eau s’ils avancent. Les occupants des tentes seront tous relogés d’ici fin janvier. C’est une stratégie que de trouver un lieu où l’environnement protège un minimum – là, le canal St Martin, ailleurs  une population très solidaire – en tout cas il faut être groupé et revendiquer le relogement pour toutes les familles présentes.

La société pense : tant d’argent pour tel type d’habitat, tant pour tel autre… elle a ainsi construit des systèmes de ghettoïsation : lieu pour les femmes battues, autre lieu pour les personnes âgées, pour les étudiants…. Nous, au DAL, on pense que les pauvres doivent rester au centre ville, pour conserver les solidarités et le vivre ensemble. Il ne faut cependant pas croire que tout est simple dans l’occupation. Cohabiter entre jeunes dépendants de la drogue et familles avec enfant en bas âge n’est pas simple. Mais ce lien entre des gens différents nous semble très important. Pour lutter il faut un minimum de 15 familles et surtout un noyau très soudé et prêt à se prendre de vrais coups.

NO VOX

Au départ, il y a eu les Forums sociaux mondiaux et les forums sociaux européens où l’on parle beaucoup de la précarité mais sans les précaires. On a donc décidé d’agir là. A Porto Alegre, on a occupé un immeuble en centre ville avec un mouvement de là-bas composé de 340 000 familles. Aux fenêtres, on a mis les drapeaux de No Vox pour attirer les participants du FSM venant d’autres pays. Aujourd’hui 30 familles vivent légalement dans cet immeuble. En Inde, on a marché avec les Dalites pendant 15 jours et ils sont entrés dans le mouvement No Vox. Puis on a occupé un immeuble avec des indiens. Là, on a créé un contact avec des japonais (ils sont très actifs au japon et aujourd’hui il faut savoir que certains sont en taule depuis 60 jours). Au Mali, on a manifesté contre les expulsions de migrants…                                                                                                          On ira aussi au forum des bidonvilles à Naïrobi pour échanger nos savoir-faire car certains par exemple ont conçu des bidonvilles très viables, avec des constructions correctes (ils ont inventé une machine à faire les briques permettant de construire une maison en 4 jours), où les gens travaillent de manière informelle et ont inventé d’autres modes de vivre. (Nous pensons qu’il ne faut pas s’occuper que du logement car il y a de plus en plus de gens qui revendiquent de vivre autrement : en caravane, en rural, en autoproduction, etc. et qu’il faut que soit reconnu ce choix d’avoir d’autres modes de vie).

Dans notre système, personne n’est obligé à rien dans le domaine du travail et du logement.  No vox évoque « le droit au logement opposable » à savoir que le droit au logement pour tous devienne opposable devant un juge. Pour cela a été mis en place un collectif de travail afin de sensibiliser les partis politiques et les candidats.

Le mouvement a fini par prendre une ampleur internationale très rapidement (trop ?). Nous sommes allés en Guyane où les gens dans la forêt ont inventé des formes collectives pour construire ensemble des villages entiers. L’Etat allait tout détruire au buldozer, avec les moyens de l’armée, pour reconstruire ensuite. On a gagné et les villages sont toujours debout.

Débat

– Annie Pourre : Il n’y a pas de grande et de petite militance, pas non plus de modèle de militance. C’est à chacun d’agir où il peut et à la mesure de ce qu’il peut. Et c’est très bien.

– Si on passe par les voies autorisées pour demander un logement, l’état dit qu’il n’y en a pas.  Quand on passe à l’action, l’état trouve des logements. C’est un paradoxe !

– Annie Poure : La question du logement social, c’est comme le mouvement pour les congés payés : il faut embêter les pouvoirs politiques pour qu’ils fassent évoluer les choses. C’est en luttant qu’on révèle un problème.

– Annie Pourre : Dans la lutte beaucoup de choses sont possibles mais il faut bien connaître son adversaire ou son ennemi et être très bien organisé (les adversaires, ce sont les institutions avec lesquelles on négocie. Les ennemis, ces sont les crapules marchands de sommeil qui exploitent la misère des gens. Ceux-là il faut les combattre). A savoir : lors de chaque transaction immobilière, la  commune concernée touche un pourcentage… ces fruits de la spéculation immobilière sont-ils redistribués ? Le logement social, à travers ces pratiques, rapporte plus à l’état qu’il ne lui en coûte.

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