Histoire d’un atelier de théâtre-forum

Animatrice en formation à Naje, Myriam a participé à l’atelier mené par la compagnie dans un collège de Drancy. L’atelier terminé, elle a voulu témoigner de toutes ces belles « petites victoires » qui font le sel d’une telle aventure.

« Je me souviens des premières séances de l’atelier théâtre-forum avec des 5es du collège Paul-Langevin à Drancy. Les élèves sont étonnés que l’on se souvienne si vite de leurs prénoms. Quand Fati leur dit que l’on va jouer des scènes devant leurs parents, les remarques fusent : « Est-ce qu’on est obligés ? » « Moi, je viendrai pas. » « Jamais je jouerai devant les parents. » « T’façon, ils viendront pas. Vous les connaissez pas, ils viendront jamais. » Fati leur répond calmement : « Ne vous inquiétez pas. Ayez confiance. »

Le thème de l’atelier, c’est les conduites à risques. Une éducatrice de l’association de quartier Vie et Cités nous accompagne tout au long de l’atelier. Au début, les histoires ont du mal à sortir. Mais les jeux nous relient, nous font rire, nous font connaître, bref, nous font devenir un groupe. Petit à petit, les langues se délient. En petits groupes, les jeunes racontent des histoires qu’ils et elles ont vécues. Certaines sont tristes, d’autres plus légères, d’autres encore sont vraiment lourdes. Des larmes coulent. Des regards se baissent. Mais les trois règles de Naje sont toujours rappelées et respectées : bienveillance, non-jugement et confidentialité. Ensuite, nous décidons collectivement quelles histoires seront mises en scène. Pour les histoires plus compliquées, l’éducatrice prendra le relais en gardant un œil sur la situation. Les histoires choisies parlent de violence à l’école, de violence contre soi-même, de jeux dangereux…

Au fur et à mesure, les jeunes prennent de plus en plus d’assurance. Je me souviens de cette jeune fille, toute menue, souvent seule et silencieuse, qui un jour est intervenue en forum pour jouer un père. Elle a remis toute la famille à sa place en faisant preuve d’un grand tact. Je me souviens de cette autre fille, qui ne souriait jamais, qui n’a jamais voulu raconter d’histoires, qui avait l’air si triste. C’était beau de voir son sourire s’élargir au fil des séances.

Seulement six séances sont prévues pour chaque groupe, mais les avancées m’impressionnent. Les jeunes sont très impliqués. Ils travaillent leurs personnages, peaufinent leurs scènes. Un jour de grève, tous viennent spécialement pour l’atelier ! Lors de la dernière séance avant la représentation, Fati leur demande comment ils se sentent à présent par rapport au fait de jouer en public. Tous répondent qu’ils en ont envie, mais soutiennent que leurs parents ne monteront jamais sur scène pour faire forum.

Le jour de la représentation, beaucoup de parents sont présents. Les jeunes jouent mieux que jamais. Plusieurs adultes montent sur scène lors du forum. Ils interviennent, et le dialogue s’instaure entre adultes et jeunes. Les jeunes n’en croient pas leurs yeux !

Dans l’atelier, il y avait un élève qui avait du mal à s’insérer dans le groupe. Il était souvent absent et on avait l’impression que l’atelier ne l’intéressait pas. D’ailleurs, Fati s’inquiétait un peu pour lui. Finalement, il a joué. Et je me souviendrai toujours de son visage lorsqu’il est venu nous voir après la représentation et qu’il nous a dit, avec un air à la fois plein d’espoir et d’inquiétude : « Mais on se reverra plus alors ? »

Elles sont vraiment belles, ces toutes petites victoires. »

 

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