Le retour d’une participante à notre forum sur les copropriétés

Aurore Bournaud, chargée de mission à la Fondation Abbé Pierre, a participé le 12 mars 2016 à notre théâtre-forum sur les copropriétés, en partenariat avec la communauté d’agglomération de Creil et l’ARC (Association des responsables de copropriété). Elle nous a envoyé ses réactions, dont nous publions ici quelques extraits.

Les spectateurs présents étaient en grande majorité des copropriétaires, essentiellement des membres de Conseils syndicaux (pas de locataires), quelques opérateurs et membres (salariés et élus) de la Ville ou de la Communauté d’agglomération. Tous se sont montrés très satisfaits de l’intervention de Naje.

Les comédiens de la compagnie avaient parfaitement saisi les enjeux et la manière de conduire les copropriétaires présents à une prise de conscience, individuelle et collective. Ils saisissaient également rapidement la manière dont ils pouvaient rebondir sur les interventions des spectateurs…

Fabienne, metteuse en scène et auteure des séquences, animait la relation entre les comédiens et les spectateurs, les invitant à prendre la parole et à venir sur scène.

Le théâtre-forum est un outil d’analyse du réel basé sur l’action réflexive. Il a eu un effet de catharsis (rires dans la salle) et d’apaisement des tensions possibles autour des sujets mis en débat (les parties communes, le rôle du président de Conseil syndical, la question des décisions, des travaux, de la médiation en copropriété). En jouant sur le registre du « spectateur/acteur », il a permis aux personnes présentes dans la salle de :

– décaler le regard, faire un travail réflexif et de décentrement (empathie, projection dans une situation dans laquelle on est susceptible de se reconnaître) ;

– tenter de dépassionner, de dépersonnaliser (sortir du conflit personnel tout en étant « mis en situation ») ;

– formuler les conflits et les enjeux, individuels et collectifs, mais aussi proposer des solutions pour les résoudre.

Les copropriétaires ont suggéré des solutions aux situations de blocage rencontrées, en prenant la parole dans la salle dans un premier temps, puis en venant rejouer la scène à leur façon, encouragés par les applaudissements de la salle. Il s’agissait de les amener à s’investir physiquement, à formuler des arguments, à faire face à ceux des autres et à rendre ainsi l’échange concret (arguments, tons, attitudes adoptés…).

En l’absence de projets collectifs dans les parties communes, ces saynètes ont mis en lumière le fait que la norme (plus ou moins implicite) en copropriété consiste à éviter autant que possible que certains se les approprient (individuellement), ce qui revient le plus souvent à ne pas les investir du tout (les règlements de copropriété font plus état des interdits que des possibilités), voire à éviter ses voisins pour éviter les tensions ! 

Le déficit de mobilisation dans les copropriétés tient aussi au fait que les réunions de Conseil syndical ont un effet « repoussoir » en raison des tensions qui peuvent y régner, des débats qui n’intéressent parfois que le Conseil syndical lui-même et pas les autres habitants, ou de l’absence d’ordre de jour et de projets communs (« Mon président de Conseil syndical est nul » ; « Le Conseil syndical ne sert à rien », etc.).

D’où l’intérêt de tous les outils visant à renforcer la capacitation des citoyens : méthodes de la communication non violente, Community Organizing et méthode du Théâtre de l’Opprimé, entre autres…

L’enjeu, à l’échelle des copropriétés, est de lever les appréhensions (rompre l’équation « investissement dans la vie de la copropriété = débats stériles en perspective ») et de montrer que les habitants sont les acteurs légitimes du fonctionnement de leur copropriété. A plus large échelle, il s’agit de donner aux personnes (et pas seulement les membres des conseils syndicaux) le pouvoir non seulement d’habiter, mais aussi d’agir et de regagner leur dignité.

Le théâtre-forum est un espace de participation : il se donne pour défi de partir de l’expérience et du regard singulier des personnes et d’en faire un matériau pour l’action collective. En cela, il est un outil particulièrement pertinent pour la copropriété et son mode de gouvernance. Une copropriété est en effet une micro-société où la participation existe « de fait » : les parties communes sont des lieux de cohabitation, même fugace ; les Assemblées générales sont des espaces délibératifs (qui ne sont pas exempts de rapports de force et de domination) ; le Conseil syndical est, en quelque sorte, un petit Parlement ; les enjeux en copropriété et le rôle d’un président de Conseil syndical y sont « micro-politiques »… Pour fonctionner, la copropriété exige sans cesse un aller-retour entre les intérêts communs et individuels (ce que sa structure juridique ne peut à elle seule garantir ou réguler), entre les enjeux singuliers et généraux, entre la liberté des personnes et celle du syndicat de copropriété (entité abstraite pour beaucoup).

 

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