Stéphane Hessel

En 2006, dans le cadre de notre chantier « les rêveurs de mondes » , nous avons rencontré Stéphane Hessel.

Attention, Stéphane Hessel n’a pas relu notre compte rendu, il peut donc comporter des erreurs.

Nations unies : ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain

(entretien avec Stéphane Hessel)

Le samedi 5 janvier 2006, en fin d’après-midi, Stéphane Hessel est venu nous parler des Nations unies. Cet homme enthousiaste et chaleureux  a vite été sous le feu de la critique, tant l’ONU suscite déceptions et ressentiment. Mais son intelligence, son sens de l’écoute et son opiniâtreté ont eu raison de certaines de nos réticences. Résumé des temps forts de cette rencontre avec un « grand monsieur ».

Résistant, déporté, Stéphane Hessel a rejoint le secrétariat général des Nations unies en février 1946, six mois après l’adoption de la Charte. Il nous a rappelé que la création de l’ONU (Organisation des Nations unies) était le fruit d’un contexte très particulier : les lendemains d’Auschwitz et Hiroshima. La déclaration universelle des droits de l’homme (universelle en ce qu’elle s’adresse à l’humanité toute entière, sans exception) entend éviter la reproduction de telles horreurs. Adoptée en 1945, la Charte des Nations unies donne à l’organisation trois objectifs majeurs :
-  le maintien de la paix ;
-  la protection des droits de l’homme (civiques et politiques, mais aussi économiques et sociaux) ;
-  le développement économique par la coopération entre les Etats.

Un bilan mitigé

Quel bilan peut-on dresser de l’ONU en regard de ces trois objectifs ?

-  Concernant le maintien de la paix, « il y a des massacres et conflits dans beaucoup de pays, mais il n’y a pas eu de Troisième Guerre mondiale », rappelle Stéphane Hessel. Le problème, c’est que ces conflits deviennent de plus en plus internes aux pays (exemples du Rwanda ou de l’ex-Yougoslavie), alors que la Charte des Nations unies, qui respecte la souveraineté des Etats, ne prévoit aucun moyen d’intervention face à ce type de conflits. Peu à peu a donc émergé le concept de « droit d’ingérence ».

-  Concernant les droits de l’homme, « ils sont violés dans la plupart des pays » mais dans presque tous les pays (l’ONU en compte aujourd’hui 189), « on trouve des associations de défense qui s’efforcent de les faire respecter en se référant aux textes fondamentaux ». Des tribunaux pénaux internationaux ont été mis en place pour trois pays (le Rwanda, l’ex-Yougoslavie et le Sierra Leone), et un projet de Tribunal pénal international valable pour toute la communauté mondiale est aujourd’hui en chantier.

-  C’est sur le développement économique et social que le bilan des Nations unies est le plus décevant : « Les ressources et méthodes des organismes en charge de cette mission n’ont pas été satisfaisants », reconnaît Stéphane Hessel. En quelques années, l’aide au développement des pays du Sud est tombée de 0,58 % du PIB des pays du Nord à 0,32 % (alors que l’objectif affiché était de 0,7 %). Selon les chiffres officiels du PNUD (Programme des Nations unies pour le développement), l’écart n’a cessé de grandir entre pays riches et pays pauvres (le rapport entre les revenus des agriculteurs des pays riches et ceux des pays pauvres est passé de 50 à 1 000 en cinquante ans !). Sur l’écologie et le développement durable, les Nations unies ont contribué à la réussite du sommet de Rio, en 1992, mais les grand principes qui en sont issus n’ont pas été suivi d’effets (ainsi, les « agendas 21 », qui doivent les traduire aux niveaux national et local sont encore rares, surtout en France). Pour l’ancien ambassadeur de France à l’ONU, « les gouvernements se sentent coincés par les règles du jeu de la globalisation ; s’ils les refusent, ils pensent qu’ils vont être exclus du cercle du développement économique… »

Les blocages institutionnels

Les principaux blocages se situent au niveau institutionnel. Du côté de l’Assemblée générale – qui vote les « résolutions » -, chaque pays détient une voix. Mais le Conseil de sécurité – le seul à pouvoir voter une intervention militaire – compte quinze membres, dont cinq membres permanents (les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale) qui ont un droit de veto. Les Etats-Unis en usent et abusent pour imposer leur vision du monde (c’est ce qui explique l’impuissance des Nations unies sur le conflit au Moyen-Orient). Autre manque de démocratie, le poids pris par des organismes de type FMI ou Banque mondiale, où le vote s’opère proportionnellement aux fonds versés par les pays, et non plus selon le principe « un pays = une voix ». Cela permet aux Etats-Unis de faire passer leur politique. D’autant que ces institutions disposent de ressources bien supérieures à l’Organisation mondiale de la santé, à l’Unesco ou à l’Office international du travail.

L’appel aux citoyens

En conclusion, Stéphane Hessel a affirmé que la situation du monde serait pire si les Nations unies n’existaient pas. « Nous serions alors dans une jungle totale ». Il ne faut donc pas que l’ONU disparaisse, mais plutôt qu’elle voit ses moyens et sa légitimité renforcés. Il en a aussi appelé à la mobilisation des citoyens : « Chacun a un rôle à jouer. Non pour réformer le conseil de sécurité. Mais pour réfléchir à ce qui peut rendre plus efficace notre investissement civique. Cela passe par l’écoute de nos voisins, notamment dans ce qu’ils ont de plus difficile à vivre. » Enfin, il a rappelé que l’actuel secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan voit d’un très bon œil le mouvement civique et social mondial en construction autour de Porto Alegre.

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