Un atelier à Port de Bouc en 2004

Compte rendu de notre intervention dans le quartier des Amarantes à Port de Bouc fait le 10 décembre 2004, soit avant la fin de l’opération.

 L’objectif initial

L’objectif initial fixé avec le pôle culturel de la politique de la ville à Port de Bouc avait été défini comme suit : soutenir les objectifs de la commission  » expression des habitants  » à savoir inciter les habitants à co-construire des solutions avec les acteurs professionnels.

Il s’agissait donc de travailler dans deux directions : constituer un groupe d’habitants et le mettre en travail sur les problématiques du quartier et, ce faisant, permettre le dialogue et l’envie de travailler avec les professionnels intervenant sur le quartier qui s’intégreraient au groupe d’habitants.v

Pour ce faire, nous avions arrêté le mode opératoire suivant :

* 1 journée d’immersion de la responsable artistique de NAJE en septembre.

* 1 spectacle de la compagnie début octobre joué sous chapiteau afin de faire une démonstration de ce qu’est le théâtre-forum susceptible de donner envie aux spectateurs de s’inscrire dans un atelier de création.

* 8 journées d’atelier programmées entre octobre et décembre 2004 pour un groupe mixte composé d’habitants et de professionnels aboutissant le 8ème jour à un théâtre-forum joué pour les autres habitants et professionnels  intervenant sur le quartier.

Il s’est en réalité très vite avéré que le mode opératoire choisi ne pourrait pas être mis en place. Le projet a donc du être remanié afin de s’adapter à des contraintes et des problématiques qui avaient été sous-évaluées :

A/ Le spectacle de théâtre-forum du 1er octobre :

Nous tirons un bilan négatif de cette journée quant à son impact en terme de mobilisation d’habitants du quartier mais un bilan positif quant au déroulement et à l’intérêt du théâtre-forum avec le public présent.

1/ Le spectacle n’a pas mobilisé le public escompté et ne s’est donc pas avéré un outil de sensibilisation efficace.

Les copropriétaires : aucun copropriétaire n’était présent malgré que nous les ayons rencontré en septembre pour leur expliquer le projet et leur demander de diffuser l’information auprès des copropriétaires. Il semble que leur absence soit à relier directement avec leur positionnement dans le quartier (repli sur eux mêmes, sentiment d’être en danger vis à vis des jeunes, sentiment d’être haïs ou incompris par les locataires, non-volonté de se méler aux locataires et de participer aux actions du centre social). Les responsables du syndic ne se sont donc pas déplacés et n’ont pas relayé l’information auprès des autres copropriétaires.

Les jeunes : la mobilisation auprès des jeunes devait être faite conjointement par le centre social et par les éducateurs de prévention mais elle n’a pas porté ses fruits. Seul un petit groupe de jeunes était présent sur la place lors du début du spectacle. Ils se sont approchés et l’un d’eux est monté en scène lors du forum sur une scène concernant les rapports des jeunes et de la police. Mais ils se sont ensuite éloignés du chapiteau et sont restés à l’écart pendant tout le reste du spectacle (à une place d’où ils pouvaient suivre ce qui se passait sans y être impliqués).

Les adultes locataires : Ils étaient entre trente et cinquante. Le centre social avait pourtant organisé un repas collectif le midi même afin de mobiliser les habitants. Il s’est avéré que plus de personnes ont participé au repas qu’au spectacle, les deux propositions ne faisant pas sens ensemble pour la majorité des habitants présents au repas. Une quarantaine d’adultes étaient finalement présents au théâtre-forum : des mères de famille avec leurs enfants et des hommes.

Les enfants : Ils était initialement prévu que les enfants seraient en activité au centre social pour permettre aux parents d’assister au spectacle dans de bonnes conditions. En fait, les enfants sont venus assister au spectacle en compagnie de l’animatrice du centre social. Cela n’a non seulement pas facilité la séance (le spectacle n’ayant pas été conçu pour des enfants, ils ont été bruyants) mais n’a pas du faciliter l’image de sérieux du travail proposé aux adultes.

Les partenaires : N’ont été présents que  les professionnels du centre social, de la ville de Port de Bouc concernés par le quartier, du Conseil général plus les éducateurs de prévention qui sont passés un moment en cours de spectacle. Ainsi, il semble que, malgré les réunions préalables faites avec les professionnels, ceux ci n’aient pas mobilisé beaucoup de personnes, soit qu’ils ne se soient pas sentis partie prenante de l’opération, soit qu’ils n’aient pas la capacité effective de mobiliser les habitants.

2/ Pour autant, le forum avec les spectateurs c’est à dire leur intervention sur scène a été effective : Les scènes choisies pour le débat ont été reconnues par les spectateurs comme bien réelles et posant des problématiques qui les concernaient bien. Ils n’ont pas hésité à venir en débattre sur scène.

B/ L’atelier de création mixte

L’atelier de création n’a pas pu être organisé comme prévu initialement. Il a pris une forme différente et s’est éclaté en plusieurs ateliers différents : un atelier jeunes, deux ateliers femmes, un atelier copropriétaires.

Notre intervention a donc été d’un commun accord décalée d’un mois pour permettre la mise en place de cette nouvelle organisation. Nos interventions ont alors été programmées de la manière suivante : deux fois deux jours en novembre, deux jours en décembre et deux jours en janvier. NAJE a par ailleurs impliqué un quatrième comédien de manière à ce que les ateliers qui ont lieu en même temps puissent être assurés correctement. Enfin, , compte tenu du peu de temps de travail avec chacun des groupes dans cette nouvelle organisation, nous avons finalement décidé avec nos partenaires de rajouter deux jours en février portant à 10 jours au lieu de 8 jours notre intervention globale.

En effet, entre le 1er octobre et le 20 octobre, date initialement prévue pour le démarrage de l’atelier, les partenaires organisateurs de la politique de la ville de Port de Bouc se sont réunis et ont annulé les dates d’octobre car le nombre de personnes susceptibles de s’impliquer dans les ateliers était trop faible. Ils ont donc décidé d’une autre organisation afin de constituer des groupes et l’ont mis en place entre octobre et novembre en appelant au partenariat : la formatrice de la formation Greta en cours car les stagiaires sont essentiellement des jeunes gitans du quartier des Amarantes, les deux formatrices du cours d’alphabétisation organisé avec le centre social, l’animatrice et le Directeur du centre social pour ce qui concerne les femmes du quartier, les professionnels intervenant sur le quartier pour monter un groupe de professionnels, le syndic des copropriétaires pour rediscuter avec eux de cette opération et les engager à y participer.

Ainsi, entre octobre et novembre, plusieurs groupes ont ainsi été mobilisés à qui il a été proposé de travailler de manière isolée puisqu’il s’avérait que la rencontre de ces différents types de population était impossible parce que refusée massivement parle groupe de jeunes et par le groupe des copropriétaires :

Un groupe de jeunes qui devait initialement être constitué des jeunes en formation GRETA et d’autres jeunes du quartier et qui, dès la deuxième séance de fin novembre s’est limité aux jeunes du Greta. Ce groupe a travaillé une demi journée début novembre avec d’autres jeunes du quartier, une journée entière fin novembre et une journée entière mi décembre. Ce groupe est accompagné par Stéphane de la Ville de Port de Bouc. Il est dirigé par deux comédiens de NAJE et est programmé sur des mercredis.

Un groupe de femmes en alphabétisation qui devait être couplé avec des femmes du quartier mais qui s’est lui aussi organisé seul dès la deuxième séance. Ce groupe a donc  travaillé une demi journée début novembre avec d’autres femmes du quartier, une demi-journée fin novembre et une demi-journée entière mi décembre. Ce groupe est accompagné des deux formatrices alphabétisation, d’une animatrice du centre social et de la responsable du pôle culturel de la ville.  Il est dirigé par deux comédiens de NAJE et est programmé des jeudis matins.

Un groupe de femmes du quartier, limité en nombre puisqu’elles sont 4 qui a travaillé une demi journée fin novembre, l’autre demi journée de décembre ayant été réorganisée au dernier moment pour accueillir et travailler en réunion avec une vingtaine de femmes mobilisées en urgence car elles venaient de recevoir une facture importante de régularisation des charges locatives de 2003. Ce groupe est accompagné d’une animatrice du cnetre social et de la responsable du pôle culturel de la ville.  Il est dirigé par deux comédiens de NAJE et est programmé des jeudis après-midi.

Un groupe de composé de 6 représentants du syndic des copropriétaires, du président et de l’ancien président de l’amicale des locataires. Ce groupe est accompagné de Séverine de la politique de la ville et est programmé des mercredis.

Nota : le groupe des professionnels n’a pu être mis en place, les professionnels contactés n’étant pas prêts à participer à une telle expérience.

Si ces différents ateliers n’ont encore pu se rencontrer les uns les autres et concernent un nombre limité de professionnels, ils permettent néanmoins de travailler avec un nombre d’habitants plus que correct, d’aborder de réelles problématiques des habitants et du quartier, enfin  de faire un réel travail de fond avec tous les participants.

Les ateliers ont été jusqu’à ce jour intenses en émotions  partagées, en récits de vie forts, en enseignements pour les professionnels comme pour les habitants, en construction de solidarités et en mobilisation des capacités à changer sa manière d’agir et sa capacité de croire qu’il est possible de changer des choses, même si cela est difficile. Les ateliers ont mis les habitants en travail sur  » comment changer la vie  » et les professionnels en travail sur  » comment améliorer notre manière de travailler avec les habitants « .

Pour les habitants, il semblent avoir permis :

Le développement de leur capacité à prendre la parole

La création de liens différents entre les membres du groupe avec l’arrêt de la honte à dire qui l’on est, le respect des uns les autres, l’apprentissage à l’écoute,

L’apprentissage des règles d’un débat non violent entre des points de vue differents,

l’établissement de problématiques communes à travers le passage des récits individuels aux problématiques générales qu’ils portent,

la recherche en commun de pistes de résolution des problématiques mises à jour et donc les  » déplacements  » individuels qu’elles permettent dans le mode d’appréhension de la réalité et la manière de s’y situer soi-même.

Pour les professionnels, ils leur ont permis d’entrer en contact avec les participants d’une autre manière, de s’immerger dans les problématiques du quartier telles qu’elles se posent aux habitants et dans leur manière de les percevoir, de lier avec eux des rapports qui pourraient leur permettre d’envisager avec eux des actions communes dans le futur si les bénéfices du travail commencé peuvent être entretenus dans l’avenir.

A ce jour, mi décembre, nous nous orientons vers la tentative de mettre en place en février une séance de rencontre entre les différents groupes. Nous voulions la faire en janvier mais le groupe de jeunes et le groupe des copropriétaires à qui nous en avons parlé s’y sont refusés. Il nous semble cependant que les raisons qu’ils donnent à leur refus sont ambivalentes et nous essayerons néanmoins de les amener à une rencontre des autres groupes qui cloturerait cette première phase de l’opération et nous mettrait en condition de mettre en place une deuxième phase après février avec un groupe mixte.

En effet, si nous avions sous-estimé les barrières entre les différentes composantes de population du quartier, il semble que notre travail actuel  s’avère justement agir sur ce point qui reste justement un point crucial dans les problématiques des Amarantes et soit peut-être un moyen de permettre aux participants de les dépasser.

En conclusion, il semble qu’une dynamique ait finalement réussi à se mettre en place, qu’elle commence a avoir de réels résultats mais qu’elle a besoin de plus de temps pour s’enraciner et avoir quelques chances de laisser des résultats pérennes.

Nota : La rencontre inter-groupes a bien eu lieu début 2005. Elle s’est avérée très riche. Chaque groupe a joué pour les autres groupes ses séquences. le débat-forum fut très constructif et riche en échanges et déplacements individuels.

 

COMPTE RENDU RAPIDE ATELIER PAR ATELIER

 Il n’est pas possible ici de relater l’ensemble des récits et des échanges des groupes car nous nous sommes engagés comme chaque participant à la confidentialité de ce qui se passe en atelier. Pour autant nous pouvons donner les thématiques qui ont été abordées et notre point de vue sur ce qui se joue dans les groupes.

Compte-rendu atelier Copropriétaires et association des locataires.

Nous les avons rencontré 3 fois :  la première séance s’est limitée à une réunion-rencontre autour de la table, la deuxième fois pour une demi-journée d’atelier théâtre, la troisième fois pour une journée complète d’atelier théâtre ponctuée par un repas commun chez l’une des participantes.

Nous rappelons qu’aucun membre de ce groupe n’était présent au spectacle que nous avons donné le 1er octobre dans le quartier.

Le groupe se réunit au local du syndic, dans une petite salle où se tiennent généralement les réunions. La salle est trop exigüe pour ce genre d’activité mais nous avons compris que le groupe s’y sentait chez lui, à l’abri et qu’il n’était pas prêt à se déplacer vers l’espace réhabilitation ou vers le centre social, vécus comme les endroits des autres.

Le groupe, composé la première fois de 5 membres du syndic et de séverine pour la ville s’est élargi à une autre copropriétaire et au président de l’association des locataires puis, à la troisième intervention à l’ancien président de l’association des locataires.

Il est donc composé à ce jour (mi décembre) de 9 personnes :  2 femmes  et 3 hommes en copropriété, 2 professionnels de la politique de la ville et 2 hommes locataires.

Si ce groupe s’est montré au départ très réticent au projet ne voyant pas à quoi il pourrait leur servir, il s’avère aujourd’hui qu’il s’est emparé de l’outil de manière forte et que le travail qu’il réalise un vrai travail de fond.

 Les thématiques mises en travail :

La solitude de chacun dans le quartier vis à vis des drames personnels et familiaux vécus.

Comment mobiliser des habitants à agir avec l’association de locataires.

Comment clarifier les rôles respectifs des professionnels et des habitants militants vis à vis des habitants et des problématiques du quartier.

Comment valoriser les personnes à travers les idées qu’elles apportent à la communauté au lieu de ne pas les reconnaître.

 Le journal de notre intervention avec ce groupe de notre point de vue très subjectif 

 1ère réunion (3 novembre au matin)

Quand nous arrivons, à cause d’une erreur de planning interne au syndic, personne ne nos attend. Séverine, qui sera présente à tous les ateliers, s’occupe d’aller chercher quelques personnes à leur domicile.

Nous nous retrouvons autour de la table, avec des gens dans une intense colère, à cause d’une dégradation qui s’est produite la veille dans le quartier.

Impossible de démarrer le travail de théâtre : ils ne savent même pas qui nous sommes et ce que nous venons faire.

Ils se plaignent surtout des jeunes et des dégradations, des problèmes de parking aussi.

Plus ils parlent, plus le ton monte.

Il se dégage 2 axes :

la peur (des jeunes qui les insultent, de l’avenir…)

la colère (contre les institutions qui les  » entubent « , se  » servent d’eux, qui ne les aident pas assez – Séverine sur ce sujet se faire prendre à parti – et contre les jeunes qui  » détruisent leurs propres biens « . L’un des participants prend l’image du fou qui scie la branche sur laquelle il est assis pour parler de l’attitude des jeunes et des locataires du quartier.

La réunion se termine sur l’exposé des problèmes de santé que ces émotions leur provoquent.

La réunion en elle-même est informelle. Les gens entrent et sortent.

En repartant, la colère s’est un peu déchargée. Nous pouvons alors nous présenter et leur exposer notre proposition. Après discussion, ils nous donnent leur accord pour tenter avec nous quelque chose autour de l’objectif suivant : Créer les conditions d’un groupe solidaire dans lequel chacun puisse trouver réconfort et travailler ensemble sur comment agir vis à vis des problématiques qu’ils rencontrent puisqu’il sont d’accord avec nous pour dire que leur mode d’agir actuel n’aboutit pas aux résultats qu’ils voudraient. Nous leur parlons alors de la possibilité de rencontrer les autres groupes qui ont commencé à travailler mais cela leur semble inimaginable.

Ils sont donc d’accord pour qu’on se renvoie la prochaine fois. Un des participants, sur le pas de la porte, dit que ce serait bien de se retrouver plutôt le matin pour avoir le temps de travailler. v

Le lendemain, une réunion de la commission prévention est organisée à l’espace Réhabilitation par Jean François Ceruti à laquelle nous sommes invités à présenter notre proposition.

Sont présents : Un représentant des copropriétaires rencontré la veille. Le Directeur du Centre Social. La représentante du bailleur : Domicil. Le représentant de l’association des locataires. Une représentante d’Adelies. Un représentant de l’ADAP. Une représentante du Collège.

Après qu’ils aient abordé des problématiques du quartier, ils nous donnent la parole. Notre proposition est mise en débat. Finalement, il apparaît que le représentant de l’association des locataires pourrait être invité à participer au groupe des copropriétaires. Le représentant des copropriétaires présent donne son accord et s’engage à faire valider cela par le syndic.

 2ème matinée (24 novembre)

9 personnes sont présentes : 6 copropriétaires, 1 locataire, Séverine et Hassan pour les professionnels

Nous dégageons les tables et commençons l’atelier par des exercices visant la constitution d’un groupe capable de mener cette activité particulière qu’est le théâtre-forum. Les participants y mettent beaucoup d’entrain et y prennent  beaucoup de plaisir. Dans l’un d’eux, la question :  » Combien avez-vous de vrais amis ?  » les passionne et ouvre de riches échanges entre eux sur un mode dont ils n’avaient pas l’habitude.

Puis nous passons aux récits avec une technique particulière.

Les récits qui sont alors apportés au groupe ne traitent pas des sujets abordés avec colère la fois précédente. Pas question de jeunes, ni de dégradation mais de difficultés familiales notament liées à la maladie avec le handicap qu’elle représente et la solitude qu’elle entraine  pour une bonne part des participants. Nous avons aussi deux récits de solitude face à la militance (comment mobiliser d’autres habitants à agir, comment ne pas être utilisé)

A la fin de la matinée, le groupe réaffirme qu’il ne jouera jamais devant les autres.

Les participants affirment aussi que ce n’est pas possible de se voir plus d’une matinée et pourtant, ils nous proposent pour la fois d’après de manger ensemble chez l’une d’eux et qu’on verrait ensuite.

Un bilan rapide leur est demandé sur cette matinée autour de la question suivante : quel est le point le plus positif et quel est le point le plus négatif pour vous concernant cette demi-journée d’atelier ? leurs réponses sont retranscrites ici :

Positif :

Le dialogue sur les problèmes de chacun

C’est nouveau pour moi

C’est bien que les gens puissent commencer à parler de leurs problèmes et on voit la solidarité ici.

Parler d’insécurité

J’ai tout aimé car c’est intéressant et précis

Ca crée des liens car on est plus réceptifs

Ca relativise nos propres problèmes

Négatif :

J’ai eu du mal à faire l’exercice avec les yeux fermés

Cela fait beaucoup d’histoires dures dans un si petit groupe

Entre nous, cela va mais s’il faut faire entrer de nouvelles personnes, moi je ne pourrai pas

Je ne pourrais pas aller faire ça avec d’autres au centre social

J’ai moins aimé marcher dans le noir.

3ème journée ( 8 décembre)

9 personnes sont présentes : 6 copropriétaires, 2 locataires, Séverine pour les professionnels.

Nous commençons par deux jeux de notre méthode puis donnons les consignes pour que deux des récits de la fois précédente soient joués :

-Une situation au travail dans laquelle celui qui a donné une bonne idée la voit récupérée par un collègue qui en tirera bénéfice en faisant croire que l’idée vient de lui. Cette histoire parle à tous les membres du groupe qui repèrent que ce genre de pratique a aussi lieu sur le quartier.

-Une situation de bénévole associatif seul à assumer sa fonction, utilisé comme un service par les habitants mais se retrouvant seul chaque fois qu’il y a une démarche à faire ou une action à porter.

Nous décidons que les histoires liées à la maladie seront abordées plus tard.

Ces deux récits sont montés en courtes scènes dans un premier temps.

Les participants  » croquent  » avec plaisir les différentes stratégies des gens pour ne pas s’impliquer dans la vie sociale, celles des collègues voleurs des productions intellectuelles du protagoniste… les participants prennent beaucoup de plaisir à jouer.

Puis nous les mettons au forum c’est à dire que nous proposons aux participants de remplacer le protagoniste avec lequel ils se sentent solidaires pour mettre en place d’autres réactions, d’autres stratégies.

Le débat se fait alors rapide, intense. Plusieurs stratégies sont élaborées, rediscutées. Nous ne trouverons pas de solution miracle mais décortiquerons les deux situations d’origine et travaillerons à dévoiler leurs mécanismes, ferons des relations avec d’autres histoires qui se situent dans le quartier.

Par ailleurs, de nombreuses personnes ont reçu une facture de charges qu’ils trouvent exorbitante. Ils viennent dans l’atelier pour demander à Séverine de s’en occuper. Cela perturbe le travail du groupe et finit par agacer les participants.  En fin de matinée, une  » critique  » est faite à la professionnelle de la ville concernant sa manière de se situer vis à vis des habitants qui lui amènent leur régularisation de charges. Nous nous saisissons alors de l’occasion pour orienter le travail  sur la problématique suivante :  comment aider l’association des locataires à se renforcer. Il est décidé que nous travaillerons l’après midi sur ce sujet.

Le repas  de midi est pris chez l’une des participantes qui a cuisiné pour le groupe un couscous. Il est chaleureux. On y parle beaucoup des jeunes mais avec tendresse.

L’après-midi, il est difficile d’empêcher les participants  de débattre pour se remettre au jeu théâtral tant le sujet les concerne et les échauffe tous comprennent très bien que nous sommes en train tous ensemble de faire un travail sur la place respective des associations et des professionnels, sur ce que l’histoire de ces dernières années a amené en termes de dysfonctionnements à ce niveau. Tous savent que tout cela n’est pas simple, qu’on ne peut chercher que le moins pire des fonctionnement, que chaque fonctionnement représente des intérêts mais a aussi des effets pervers…

Sur la fin de l’après-midi, les langues se délient sur le flou

du rôle des différents acteurs ( officiels et de fait) dans la cité

de la façon dont l’argent de Domicil) est utilisé

Les différents participants s’étonnent : chacun pensait que les autres ne maîtrisaient pas la géographie du quartier aussi bien qu’eux. En fait, ils sont tous au même niveau d’information mais découvrent aujourd’hui que les autres font la même analyse qu’eux.

Le mini bilan rapide qui est demandé aux participants donne les points suivants :

C’est très fatigant de faire cela

On finit par dire le jeu de la vérité

C’est enrichissant

J’ai aujourd’hui mangé chez l’un de vous alors que cela fait trente ans que j’habite ici

C’est bien mais on perd du temps car on parle trop, on se coupe, on tourne en rond. On n’avance pas assez vite.

Là on fait du concret, on cherche comment faire. J’aime ça.

On se quitte en projetant une nouvelle journée complète, déjeuner commun compris et avec le contrat que NAJE mènerait le prochain atelier de façon plus directive pour limiter les temps où l’on parle trop et où l’on tourne en rond au profit du jeu théâtral qui permet de sortir de ça.

 

 Compte rendu du groupe alphabétisation

Le groupe composé le premier jour de novembre de femmes du cours d’alphabétisation et de femmes du quartier qui parlent la langue s’est scindé en deux groupes notamment du fait des décisions qui ont été prises au sein du centre social entre la première et la deuxième séance : l’atelier théâtre-forum serait porté par les deux animatrices alhabétisation mais ne durerait qu’une matinée à chacune de nos venues à Port de Bouc et l’animatrice du centre social proposerait aux autres femmes de participer à un atelier l’après midi.v

Ce groupe est composé de femmes qui parlent pas ou peu le français. Si Hacia (l’animatrice du centre social) assure la traduction en arabe, il n’y a pas de traductrice pour les cambodgiennes. Ainsi, les consignes prennent beaucoup de temps à expliquer, de même que solliciter leur parole et vérifier qu’elles cernent un peu ce qui est exprimé.

Les femmes qui y participent semblent y avoir trouvé de la chaleur, le temps de rire, le temps de percevoir une solidarité possible. A partir de la deuxième séance, l’idée que cet atelier sert à changer la vie commence a émerger.

Par ailleurs, si les premiers récits ont semblé à coté des objectifs et thématiques de l’atelier, ils ont été riches d’enseignements sur les modes de pensée en cours. La troisème séance a permis de travailler sur la thématique initiale du groupe : l’implication des femmes dans la vie du quartier et dans le travail avec les professionnels.

Il nous semble intéressant de travailler avec ce groupe, justement parce qu’il est composé des femmes les plus éloignées de la figure de l’acteur social telle que nous la concevons généralement. Elles posent la question de que faire avec les oubliés de la participation.

Les thématiques abordées :

-Vivre entre la tradition et l’intégration : une déchirure, des conflits.

les questions de violences conjugales et familiales

les mariages arrangés qui finissent mal

la question de la pression sociale et de la rumeur très pregnante dans le quartier

la question des adolescents qui sont en échec scolaire et sont à la maison ou dans le quartier sans espoir pour leur avenir et dans la violence

les difficultés de relations de voisinage (il est difficile de s’expliquer, les cris et les coups arrivent tout de suite)

– la question de la langue, de ce que le fait de ne pas parler amène au repli et à la solitude, avec l’impossibilité de s’intégrer

Une histoire de fuite d’eau après la réhabilitation qui a été difficile à vivre pour la personne qui ne parle pas le français.

Les moyens de transport collectifs non satisfaisants pour sortir de la ville.

les femmes asiatiques sont transparentes dans le quartier et restent isolées.

Les mères de famille ont peur pour leur enfant car il y a des voitures partout dans le quartier.

La non participation aux réunions collectives du quartier, pourquoi ? Que faire et quelles questions cela pose aux professionnels.

Les enfants qui voient les jeunes fumer du haschich, prendront plus tard exemple sur eux et les adultes qui passent et font semblant de ne rien voir.

 Notre journal subjectif

La première séance commune a eu lieu un jeudi matin au centre social.

18 femmes étaient présentes plus Marie Pierre pour la ville, Hacia pour le centre social et les deux formatrices alphabétisation.

Nous avons proposé deux jeux théâtraux puis des récits d’histoires autour de  » qu’est ce qui pour vous est injuste dans ce que vous vivez ?  »

Les récits apportés au groupe ont suscité chez l’ensemble des participantes beaucoup d’émotion. Il était question d’intime qui se livrait là.  Ils ont touché à plusieurs thématiques qui concernent plus la vie des personnes ou la famille que le fonctionnement du quartier. Comme si ce qui nous avait été dit des problématiques  du quartier  passait pour elles dans un lointain second plan, leurs réelles problèmes étant ailleurs :

-La question du voile pour lequel un emploi est refusé.

les questions de violences conjugales et familiales

les mariages arrangés qui finissent mal

la question de la pression sociale et de la rumeur très preignante dans le quartier

la question des adolescents qui sont en échec scolaire et sont à la maison ou dans le quartier sans espoir pour leur avenir et dans la violence

les difficultés de relations de voisinage (il est difficile de s’expliquer, les cris et les coups arrivent tout de suite)

– la question de la langue, de ce que le fait de ne pas parler amène au repli et à la solitude, avec l’impossibilité de s’intégrer

Une histoire de fuite d’eau après la réhabilitation qui a été difficile à vivre pour la personne qui ne parle pas le français.

Vu les difficultés de langue importantes d’une partie du groupe et vu le temps qu’avait pris le partage des récits, nous n’avons pas proposé au groupe un temps de bilan collectif de la matinée.

 2ème demi-journée :

10 femmes sont présentes (4 cambodgiennes, 2 turques, 4 magrehbines) plus les professionnels de la première fois.

Après deux jeux de mise en route, nous leur proposons de choisir quelles histoires de la dernière fois mettre en scène aujourd’hui. Nous proposons l’histoire de la fuite d’eau portée par une dame cambodgiennne. Pour la deuxième histoire, une femme qui n’était pas là à la première séance lève le doigt et dit qu’elle a une histoire à elle qu’elle veut monter aujourd’hui : il s’agit de sa fille qui vit dans sa belle famille et est sommée de fonctionner selon la tradition (port du voile, interdiction d’ouvrir la fenetre, service permanent de tous les membres de la famille…)

Nous décidons alors de monter ces deux histoires en séparant le group selon les langues : un groupe autour de la fuite d’eau avec les cambodgiennes, un groupe autour de la fille forcée à vivre traditionnellement avec la femme turque et les femmes magréhbines.

Le groupe des cambodgiennes met beaucoup de temps à mettre en forme quelque chose de son récit du fait de la non compréhension des consignes. Nous découvrirons en fin de matinée que la fuite est réparée mais que ce qui choque la dame et qu’elle trouve injuste est que les professionnels avaient affirmé qu’avec la réhabilitation, tout serait bien et qu’il s’avère que ce n’est pas vrai. Ont-ils menti ? Comment est ce possible qu’ils puissent se tromper ? Il est injuste que la réhabilitation ne satisfasse pas aux espoirs qu’elle y a mis. Par ailleurs, la dame ne parle pas le français et il lui a été très difficile de se faire comprendre pour demander la réparation, de savoir à qui s’adresser. toutes les démarches qu’il lui a fallu faire lui ont énormément couté.

Nous avons retenu de ce travail avec ce sous groupe que non seulement elles ne maitrisent pas la langue mais qu’aussi notre organisation sociale leur est totalement incompréhensible, qu’elle vivent là sans pouvoir avoir aucune maitrise sur leur environnement.

Le groupe des femmes magrehbines met en scène plus rapidement sa scène si bien qu’en fin de matinée, nous prenons un quart d’heure pour la mettre en forum avec l’ensemble des femmes présentes à l’atelier.

Les femmes n’hésitent alors pas à remplacer la fille dans sa belle famille ou la mère qui voudrait aider sa fille. Nous travaillons alors à ce qu’il est possible de se permettre avec sa belle famille, qui peut agir, comment faire sans tout casser… A notre grande surprise, une femme cambodgienne demande elle aussi à remplacer la protagoniste de la scène pour tenter sa proposition.

Vu l’heure avancée et la difficulté de formulation d’une partie du groupe, nous ne proposons pas de temps de bilan collectif.

3ème demi-journée :

5 femmes sont présentes : deux femmes asiatiques, une magrehbine, deux femmes turques. Plus une formatrice alphabétisation, l’animatrice du centre social et Marie Pierre Serre pour la ville. Deux femmes se sont excusées, étant prises par des impératifs extérieurs.

Nous proposons un jeu faisant appel à l’échange et à l’imagination, puis montrons la technique de construction des images et proposons à chacune de faire une image du problème du quartier qu’elle trouve le plus important. A chaque présentation d’image problématique, nous proposons au groupe de chercher quelle serait l’image idéale de la situation présentée de manière à permettre au groupe d’élaborer des pistes.

Les images relatent les point suivants :

-les moyens de transport collectifs sont trop limités pour quitter le quartier ce qui nous amène à devoir prendre le taxi ce qui est cher.

les femmes asiatiques sont transparentes dans le quartier et restent isolées. Non qu’elles soient l’objet d’agressivité, elles n’existent tout simplement pas pour les autres. Cette image amène le groupe a travailler pour les femmes asiatiques du groupe : comment  pourraient aller vers les autres ?

Les mères de famille ont peur pour leur enfant car il y a des voitures partout dans le quartier. Cette image amène Marie Pierre serre à montrer tout de suite son image : le maire a convoqué les habitants en réunion publique et quasiment personne n’est présent. Le fait de juxtaposer ces deux images nous amène a débattre avec les femmes de pourquoi elles ne viennent pas aux réunions dans le quartier : elles n’ont pas accès à l’information qui se diffuse sous forme d’affichettes en langue française et elles ne sont pas dans les réseaux dans lesquels l’information circule. De plus pourquoi venir à une réunion où il n’y a pas de traductrice et où l’on ne pourra ni comprendre ni parler). Nous leur expliquons que la place des voitures a beaucoup été discutée lors de la réhabilitation avec les habitants mais que personne n’a réellement parlé des problèmes de cohabitation des voitures et des enfants, la majorité des gens demandant plutôt plus de places de parking, que donc, leur point de vue n’avait pas été dit et qu’il ne serait pas non plus dit sur d’autres sujets tant qu’elles ne seraient pas en mesure de participer aux réunions collectives.

Nous nous sommes arrêtées là sur ce sujet qu’il faudra remettre en travail les prochaines fois afin de l’approfondir et d’avancer.

Les mères de famille dont les grands enfants sont là, sans travail et sans bouger pour en trouver. Sur cette image, nous avons seulement tenté une image idéale à laquelle elles ont pris beaucoup de plaisir. Ce sujet étant revenu plusieurs fois, il nous faudra le mettre en travail les prochaines fois.

Les bagarres dans le quartier soit entre voisins, soit entre jeunes, soit au sein d’une famille. Qui sépare les bagarreurs ? Comment ?

Cela amène le récit d’une participante sur une fois où elle a vu deux personnes se battre, une troisième arriver, un couteau sortir et où elle a hurlé de sa fenêtre (j’ai peur, arrêtez) et où les bagarreurs se sont arrêtés. La dame est très fière de son attitude à ce moment là. Elle a eu une extinction de voix pendant plusieurs jours mais trouve que le jeu en valait la chandelle. Comme quoi l’on peut parfois agir pour changer les choses mais si on a toujours le sentiment de ne rien pouvoir faire.

Les enfants qui voient les jeunes fumer du haschich, prendront plus tard exemple sur eux et les adultes qui passent et font semblant de ne rien voir.

 Nous proposons ensuite un mini bilan aux participantes :

On a parlé de la vie, c’est vraiment comme ça.

On est ensemble pour parler, c’est intéressant

J’aime être avec les autres pour apprendre le français.

Comment vivre tous ensemble dans le quartier ?

Ca fait réfléchir avec la tête. Les images, ça résonne dans ma tête. Ca fait réfléchir.

J’ai parlé avec tout le monde et compris un peu. Je suis contente. C’est pour avancer et changer la vie.

Je suis contente car je sais vos problèmes et car j’ai dit les miens.

  Le groupe de femmes du quartier.

 Ce groupe est très restreint et, du fait de l’histoire de la mise en place de l’opération, il ne s’est réuni en tant que tel qu’une fois avec 4 femmes plus Hacia et Séverine dans le local réhabilitation.

La deuxième fois, l’atelier s’est transformé en réunion des locataires du fait de la présence devant l’espace réhabilitation de plus de 20 femmes réunies pour rencontrer le président de l’association des locataires. Nous avons finalement dirigé la réunion et travaillé avec les personnes présentes autour de la nécessité de s’organiser collectivement pour agir.

La première séance :

Nous avons proposé trois jeux puis des récits et la mise en scène rapide de deux d’entre eux.

Les histoires abordées :

les conflits entre parents sur l’éducation à donner aux filles : deux idées de la tradition :  le père a  peur de ce que diront les voisins de ses filles si on les laisse sortir, de l’autre coté, la mère élevée au pays avec une éducation basée sur la confiance et la liberté et qui veut reproduire cela avec ses filles.

Le mari qui charge la femme de toutes les responsabilités vis à vis des enfants ;

Les conflits de voisinage qui s’enveniment vite.

La loi du silence et la rumeur.

Comment passer des cris et de l’indignation à l’action collective et à l’élaboration d’une stratégie ensemble (thème de la deuxième rencontre)

Journal subjectif de la réunion collective faisant office d’atelier (séance de décembre)

Alors que nous nous réunissons avec le deuxième groupe de femmes, la question des charges locatives et de leur régularisation revient en force. Un groupe en colère attend le président de l’association des locataires. Dans les mécontents se trouvent aussi des femmes de notre groupe. Nous décidons après brève concertation d’abandonner notre atelier et de laisser le local aux personnes qui attendent.

La thématique abordée la veille dans le groupe des copropriétaires ressurgit mais à l’envers : comment gérer positivement la colère des gens, au moment où elle peut devenir mobilisatrice, sans pour autant manipuler ? Quel rôle doit jouer le président de l’association des locataires ?

La réunion est houleuse. Les personnes présentes alternent entre les prises de paroles de colère dans le brouhaha et l’adresse individuelle au président de l’association des locataires pour qu’il leur explique leur facture particulière, entre les  » coups de gueule  » collectifs et le fait de quitter la réunion pour aller en solitaire à Domicil régler sa propre situation, le fait de dire qu’il faut faire quelque chose et en même temps que l’association de locataires ne sert à rien…

Au risque de déborder de notre rôle, nous décidons  » d’assister  » le président (qui travaille aussi avec nous dans le groupe de co-pro) dans la tâche difficile de réussir à faire émerger une action concrète au-delà du coup de gueule et nous dirigeons la réunion en distribuant la parole. Beaucoup de personnes parlent des charges de l’année précédente qu’ils avaient fini par payer après des  » entretiens individuels  » où on leur avait  » expliqué  » les détails de la facture. Mais la sensation de s’être fait rouler n’est pas apaisée. Les gens ont l’impression de payer pour la réhabilitation de la cité. D’ailleurs, un énigmatique  » suite à la réhabilitation…  » qui figure au début du courrier adressé par le bailleur aux habitants, renforce ce sentiment.

Il est finalement décidé, en plus du président qui demandera des explications directement au bailleur par téléphone, de rédiger une pétition demandant une suspension des paiements jusqu’à la levée des doutes par des entretiens individuels bâtiment par bâtiment et non plus individuels. Il est décidé aussi que le président devra faire appel à l’Union des Consommateurs qui est compétente pour travailler la question.

Nous rédigeons le texte dicté en  » vocabulaire institutionnel  » par une professionnelle présente à la réunion.

  Le groupe de jeunes Greta

 La première séance du 3 novembre après midi a réuni une cinquantaine de jeunes et d’enfants dont 10 jeunes en formation Greta.

Puis, dès la fois suivante, l’activité s’est organisée pour les jeunes du greta (elle était ouverte aux jeunes de plus de 16 ans qui le souhaitaient mais il n’y a pas eu de volontaires de plus de 16 ans, seulement des enfants que les jeunes du Greta, avec notre accord ont refusé d’intégrer dans leur groupe).

Cet atelier s’est donc réuni trois fois au centre social, soit deux journées complètes plus la première demi journée.

Il semble que les jeunes aient accroché à l’outil théâtre-forum car il leur permet de se dépasser, de parler ensemble de choses vraies et qui les touchent, de chercher des solutions aux problèmes quotidiens qu’ils vivent.

De notre point de vue, l’atelier est un lieu dans lequel ils prennent confiance en eux mêmes, dans lequel ils développent leurs capacités à analyser, chercher des alternatives…

Plus globalement, Le travail a permis de mettre en question certains fonctionnements dans le quartier, d’exprimer que les lois du quartier ne sont pas forcément bonnes. Pour autant, il ne semble pas encore possible d’en sortir. Nous devrons continuer à chercher avec eux dans ce sens là.

Les thématiques abordées :

– la rumeur et la pression sociale dans le quartier qui se pose pour les filles et pour les garçons de manière différente.

le racisme  envers les étrangers et aussi dans le quartier entre cultures ( arabe/ gitans),

les problèmes entre les jeunes et les copropriétaires perçus comme racistes, la question de ce qu’on a le droit de faire et de ne pas faire  » on est chez nous,  donc on a le droit de tout faire dit un jeune pour expliquer pourquoi il se sent légitime de squatter les halls des copropriétaires),

l’environnement avec la saleté et l’attitude des gens quant aux poubelles.

La fragilité des situations avec le spectre de la rue tout proche

Les relations familiales

 

Notre journal subjectif séance par séance :

1ère séance le 3 novembre`

Les jeunes étaient invités à une rencontre autour de la question de la vie dans le quartier.

Pour aborder ce thème, le responsable du centre social avait convié un chanteur rappeur pour  présenter ses textes basés sur  la vie dans un quartier, les dérives,  le mal être ». Sur ce temps de lecture, les jeunes ont été très à l’écoute. Les mots faisaient échos dans leurs têtes. En reprenant les mots « chocs » des textes, une discussion s’est installée petit à petit avec les professionnels et les jeunes. Certains jeunes ont exprimé les problèmes qu’ils rencontraient au sein de leur quartier comme la rumeur, le racisme entre culture ( arabe/ gitans),les problèmes entre les jeunes et les copropriétaires perçus comme racistes ,  le fait ou non d’avoir le droit de squatter leurs cages d’escalier (on est chez nous, on a le droit de tout faire chez nous), l’environnement avec la saleté et l’attitude des gens quant aux poubelles.

En deuxième partie d’après-midi, nous avons expliqué notre travail et leur avons proposé un atelier  les mercredis après midi.

Puis nous avons proposé au groupe de faire un exercice de déplacement  dans la pièce les yeux fermés. Bon nombre l’ont fait. D’autres n’ont pas accepté soit par peur de se faire moquer par les autres, soit par non adhésion à notre proposition soit les deux à la fois.`

Ensuite, nous leur avons proposé de faire des récits d’abord deux par deux puis à tout le groupe réuni.

C’est à ce moment là que certains jeunes sont sortis de la salle, comprenant qu’ils ne pouvaient pas rester sans participer eux aussi.

Finalement, ces récits ont été faits et ont tous relatés au groupe. Pour ce faire, nous avions posé des consignes précises de respect des récits et des autres.  Nous avons néanmoins été étonnés de l’écoute par tous jusqu’au bout de toutes les histoires. Ce temps, comme celui de la réunion du début d’après midi ont  constitué de véritables temps d’échange entre les jeunes participants.

Les grands thèmes qui en sont ressortis ont concerné la  discrimination raciale dont ils sont victimes vis à vis de l’extérieur et ce qui se joue entre les différents groupes du quartier, les bagarres entre enfants et entre jeunes,  les problèmes d’orientation scolaire, les problèmes d’environnement dans le quartier (saleté). Nous avons aussi eu des récits de délinquance relatés par ceux qui les avaient commis trouvant injustes d’être embétés ou poursuivis pour cela ou regrettant d’avoir tenté un cambriolage car il a fait courir une femme enceinte, ce qui n’est pas bien

2éme séance: mercredi 24 novembre toute la journée.

Sont présents : 12 jeunes en formation Greta (17-19 ans)

Dans ce groupe, 8 jeunes habitent le quartier et 4 sont extérieurs.

Les jeunes étaient inquiets et appréhendaient cette séance .

Après avoir réussi à les regrouper, nous avons commencé par des exercices pour travailler sur la cohésion du groupe, la concentration, la confiance en l’autre.

Nous avons mis en scène trois séquences et fait forum sur chacune :

Une bagarre dans le quartier entre des jeunes arabes et des jeunes gitans. L’histoire commence par un petit gitan qui accuse un grand arabe de l’avoir frappé et va se plaindre à son grand frêre.  Cela  provoque une montée en violence et amène la bande de gitans à aller se battre avec la bande des arabes. La bagarre ne cesse qu’à l’arrivée de la police. Plus tard un jeune arabe et un jeune gitan se font agresser à Martigues. Ils reviennent aux Amarantes pour mobiliser leurs groupes respectifs et vont tous ensemble se confronter aux jeunes de Martigues. Il s’agit là de sauver l’honneur des Amarantes. Pour cela, ils peuvent s’associer.

Le forum a vu la proposition d’un autre jeune se proposant pour aller sans le grand frêre concerné voir le groupe antagoniste afin de vérifier les propos du petit frêre. Cette piste ayant donné des résultats à l’improvisation,  un débat s’est installé sur la possibilité ou non d’agir de cette manière dans le quartier. Le jeune protagoniste nous dira qu’il peut faire cela au théâtre mais pas dans le quartier car alors il serait discrédité et traité de balance dans son propre groupe.

Une jeune fille découvre qu’elle va être orientée vers un BEP qu’elle ne veut pas. Le soir, très en colère, elle en parle à sa mère qui dit ne rien pouvoir. Le lendemain, elle va donc en parler à son professeur principal qui leui conseille d’aller en parler au principal. Rien n’y fait, elle iradans le BEP conseillé par le collège, y restera trois mois et abandonnera sans en parler à qui que ce soit. Après une période d’inactivité, elle se retrouve en stage greta.

Les interventions de forum des jeunes ont visé dans un premier temps à demander rendez-vous auprès d’une conseillère d’éducation pour tenter de trouver une orientation vers la cuisine qui soit compatible avec ses faibles résultats scolaires. Ils ont tenté aussi des choses en direction de la mère pour qu’elle aide sa fille, ce qui a amené des prises de parole sur le rôle des mères. Enfin ils ont proposé de négocier avec le professeur principal un redoublement afin de tenter d’améliorer les résultats scolaires et de pouvoir prétendre au BEP désiré. Le forum amène aussi les filles du groupe à parler avec leur mère autour de  » il faut me laisser faire mes devoirs au lieu de faire le ménage  »

Un jeune est en stage de trois semaines pour découvrir le métier de cuisinier. Pendant trois jours il reste à la plonge. Le quatrième jour, il va demander au patron de faire de la cuisine. Il obteint de participer à la confection d’un gateau puis retourne à la plonge. Le cinquième jour, il s’ennerve et part sans avertir personne.

Le forum a  vu des jeunes tentant de négocier avec le patron de faire de la cuisine et non la plonge. Ces pistes échouant, l’idée leur est venue de faire appel  à la convention de stage pour négocier avec le patron (donc le cadre législatif)

Leur bilan de cette séance

fatigué mais c’est franchement bien alorqs que j’étais pas chaud le matin

j’ai découvert qu’il y a toujours une solution à un problème

intéressant l’histoire de l’orientation et de la bagarre

le théâtre m’a permis de me lâcher et de pas avoir la honte

ca m’a pas plu, j’ai failli m’endormir

c’était bien

j’ai pris conscience que les petits nous emboucanent et qu’il faudrait arrêter de se battre pour eux.

Le  groupe se déclare globalement content de la séance et prêt à continuer la prochaine fois.

Nous notons qu’il semble que, même sio les jeunes ne le formalisaient pas comme cela, ils aient pris conscience de l’absurdité du conflit gitans-arabes.

 3ème séance : le 8 décembre toute la journée.

11 jeunes sont présents dont deux jeunes filles nouvellement intégrées au greta ( donc 3 qui ne sont pas revenus)

Le matin, nous reprenons deux scènes dans le but de préparer une rencontre avec les autres groupes. Il s’agit de les ré-improviser et de les améliorer pour les présenter à d’autres : la scène de la bagarre plus celle de l’apprentissage.

il s’avère alors que les jeunes n’ont pas très envie de répéter, que le dynamisme manque. Nous reprenons alors la scène de l’orientation en leur proposant un nouveau mode de forum : ils peuvent maintenant remplacer n’importe quel personnage de la scène. L’exercice leur plait. Nous repérons alors qu’ils sont beaucoup plus à l’aise pour imaginer des argumentations, que leur timidité disparaît progressivement, que le plaisir de jouer l’emporte sur la peur. Cela même si la concentration n’est pas toujours au rendez-vous.

L’après midi, nous appelons de nouveaux récits à mettre en scène. Deux récits sont choisis : l’un concerne des relations avec la belle famille très confictuels aboutissant à la mise à la rue d’une jeune fille.

Forum a été fait sur cette scène avec plusieurs directions : dire à sa belle mère ce que l’on pense d’elle, ce qui n’aboutit à rien mais permet de décharger sa colère, contacter le fiancé pour qu’il agisse sur son père et lui demande de faire une médiation, enfin contacter une association pour demander un hébergement d’urgence. Il est à noter que cette dernière piste a été amenée par une adulte.

Nous montons aussi une scène sur la discrimination dans un magasin qui est apportée par un adulte. Le forum fait par les jeunes consiste à demander à un français d’acheter à notre place. Une adulte propose la piste de l’appel à la justice en l’occurrence, le 114

Le bilan de  la séance :

Les animateurs du groupe ayant expliqué en début de journée leur projet d’une rencontre intergroupes dans laquelle toutes les productions seraient échangées, le bilan s’est organisé autour des réactions à cette proposition.

Les jeunes ont expliqué que le théâtre leur plait,  que l’improvisation d’histoires réelles les intéresse et aussi le fait de chercher des pistes ensemble. Par contre le fait de jouer devant les copropriétaires est une idée qui ne leur plait pas : ils n’ont pas envie de les rencontrer, ont peur qu’ils se moquent d’eux, ont peur que cela dégénère.

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